dimanche 26 février 2006

On every street

Ils passent. Encore un. Encore une. Repassent. Traversent mon champ de vision. Je décide de les effleurer du regard.
Celui-là a l’air pressé. Chaussures brillantes et bouquet en main, c’est un rendez-vous galant. Celui-là charrie trois sacs colorés dans chaque main, ainsi qu’une écharpe rose sous son bras droit. Il trottine derrière une autre, qui le presse de remarques acides sur l’heure. Il répond en geignant quelque chose d’inaudible, sans doute insignifiant.
Celui-là, look classique, cheveux courts, a au premier coup d’œil l’air pressé et souverain. Au second, son regard dit qu’on ne l’attend pas. Qu’il sait quelque chose à propos de hasard et de presser le pas.
Celles-ci, tous charmes dehors et rire haut perché comme un étendard, jouent les demoiselles de sortie. Ongles colorés, jean’s moulant comme leur star favorite du moment et babillage insensé complètent ce tableau formaté. Quelques jeunes coqs, plus loin, ont déjà senti la plume fraîche. Mobile autour du cou, dégaine assurée et poésie affûtée, les voilà prêts pour se jeter dans la basse cour.
Celui-la devance cette autre. Sourire ultra-brite et l’air heureux. Elle le suit. Elle sourie. A bien y regarder, son sourire est plaqué, figé, agrafé. Son regard le cherche, le guette. Peur de le perdre ? Son fond de teint appliqué aux endroits stratégiques dit qu’elle a peur de ne pas le perdre, qu’il ne perde pas ces colères.
Et tous ces autres. Différents mais semblables. De toute les couleurs. Tous les accents. Mais tellement pareils. Clonés. Numérisés et dupliqués à l’infini, sans la moindre altération. Aucun espoir ?
Si là. Un éclair châtain. Une maladroite a fait tombé quelque chose, le ramasse et se relève avec une délicate rougeur sur les joues. Comique ? Magique.
D’une main elle range l’objet facétieux au fond de son sac, qu’elle ferme à double tour comme si elle y transportait un trésor. Du regard, elle reprend son exploration de la rue. Je vois un petit sourire étirer ses lèvres lorsqu’elle se tourne vers une gamine en train de dévorer une boule de glace presque aussi grosse qu’elle. Ses yeux pétillent quand ils croisent ce vieux couple qui se chamaille tendrement.
Gracieuse, elle reprend son chemin. Féline parmi les bovins. Elle se retourne soudain et j’ai enfin le loisir de contempler son visage. Aussi fin et doux que son regard brille. Impossible de me détacher de ce regard. On y passerait sa vie. A lire la curiosité, le rire, la gravité, l’attente. J’ai à peine le temps de me demander comment faire s’éclairer encore plus ce regard qu’elle se détourne. La foule l’avale aussi vite qu’elle était apparue.
Alors je reste là. Et je reprends mon exploration. Mais je réalise doucement ce qui vient de se passer. Et c’est ce visage que j’ai cherché, dans toutes les rues…

Ecrit et publié à l'origine le 26/2/2006 sur LiveSpaces